Clarence Flûte et le secret de Sybille
Sandrine Bonini
Autrement jeunesse, 2011
Physicien en herbe cherche âme soeur
Par Anne-Marie Mercier
Ce titre annonce une nouvelle série, mais aussi l’introduction d’Autrement jeunesse dans le roman pour enfants. A travers un héros fort sympathique, le lecteur va découvrir qu’on peut s’intéresser aux sciences ailleurs que dans la salle de classe. Le parti pris est intéressant. On regrette cependant qu’il ait fallu passer par le cliché du garçon solitaire à lunettes, premier de la classe qui n’ose pas parler aux filles, donc un personnage qui sera perçu comme un peu ridicule par les jeunes lecteurs.
Pour le reste, le projet est assez réussi : Clarence, huit ans, après avoir réalisé un système solaire en marshmallows tente d’en créer un autre qui serait une image de son propre entourage. Les conditions de réalisation de l’expérience miment celles qu’installerait un vrai scientifique, ou un professeur des écoles qui souhaiterait faire comprendre la démarche scientifique à ses élèves. L’imbrication de questions sentimentales ou relationnelles dans le projet de Clarence est savoureuse tout comme les illustrations. Elle propose les plans, schémas, listes et donnent les étapes du « cahier d’expérience » qui scandent les perplexités du personnage.
Jo Hoestland fait parler le jeune Tim, en un langage populaire, imagé et gouailleur, une imitation d’oral un peu datée. Elle passe également par ses impressions pour évoquer sans trop de misérabilisme ni trop de condescendance une histoire bien misérable, celle d’un vieil homme, le voisin d’en face de Tim, solitaire, sale, méchant, radin et mystérieux.
Quelle bonne idée que de proposer cette version abrégée aux élèves des lycées ! En effet, on ne lit plus de Mademoiselle de Maupin que sa préface où Gautier se moque des critiques, de la littérature vertueuse, du goût pour la couleur locale, des modes littéraires de tout poil et s’interroge sur l’ « utilité » du roman, de l’existence même… pour conclure qu’il « n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines ».
La collection « Dacodac », petite soeur de « Doado » au Rouergue, se voit dotée d’un nouveau roman réaliste dans lequel Karla-Madeleine (en hommage à Karl Marx, du côté de son père, et en référence à la religion catholique de sa mère) part pour la première fois en vacances avec ses parents, très très différents l’un de l’autre, pour ne pas dire à l’opposé. Il faudra à la jeune fille rencontrer, par hasard et pour la première fois, sa tante et sa cousine ainsi que fuguer, l’espace de quelques minutes, pour connaître enfin les raisons de la rencontre complètement improbable de ses géniteurs : son père, « du chocolat fondu sur un chamallow », à l’intérieur, et sa mère, qui sait « qu’on ne se ballade pas en sandalettes sur un volcan en éruption » (le volcan en question étant son mari tentant vainement de ranger une tente « pop-up » !).
À travers un court récit à la première personne, raconté par une enfant devenue grande, Fabrice Vigne aborde une question aussi essentielle que difficile : « le Père Noël existe-t-il ? »
Une lecture absolument recommandée pour la période qui s’ouvre ce mois-ci. Ajoutons que c’est drôle, profond et simple, et fort bien écrit comme tout ce que fait Fabrice Vigne (auteur de TS, superbe roman pour adolescents, de Jean 1er le posthume et Jean II le bon, écrits pour de plus jeunes lecteurs) et d’une belle protestation contre des déclarations anti-littérature de jeunesse comme on en lit encore trop souvent.
Voici réunis en un volume les trois volets du journal d’Aurore, intitulés « jamais contente », « toujours fâchée » et « rien ne va plus », parus entre 2006 et 2009. Aurore est le prototype de l’ado insupportable, version « fille », bien sûr.
Mina aime la nuit, et aussi les mots. Elle les utilise en toute liberté, au grand dam de son institutrice, ignorant les règles et la logique ordinaire. Elle écrit son journal avec sa fantaisie, mêlant réflexions et notations prosaïques, questions et rêveries. Elle raconte aussi son histoire qui a fait qu’elle a été retirée de l’école, pour comportement trop « bizarre », la scène de terreur qui a tout déclenché, l’ombre d’un père disparu, son passage par un établissement spécialisé.
Angie, c’est le titre d’une chanson des Stones, une chanson sur un amour perdu. Le personnage de ce court roman graphique s’appelle Angie Monde, tout un programme. Et c’est bien une part du monde qu’elle représente. Elle est dans un lit d’hôpital. A son chevet, un policier, Etienne Bufka, attend qu’elle parle et qu’elle explique. Il est question de choses graves : de la trahison en amour, du désarroi des très jeunes filles (Angie a tout juste 15 ans) devant une grossesse inattendue, non voulue, du déni, et de ce qui s’ensuit ; plus largement il est question d’enfances à la dérive, d’adolescents trop seuls qui vivent « comme des grands » mais sont incapables d’être adultes. « C’est la vie qui est terrible », dit l’inspecteur à celle qui reste au niveau du fait divers