Yiddish Tango

Yiddish Tango
Mylène Mouton
Gulfstream – collection Echos 2019

L’âme du Prince…

Par Michel Driol

A l’occasion de Noël, Etienne, qui apprend le violon, joue un magnifique tango devant le public de la maison de retraite où se trouve sa grand-mère. Il est remarqué par Elisée, un autre résident, qu’il a surnommé Furax, et qui le confond avec un jeune garçon qu’il avait rencontré dans sa jeunesse. Il lui révèle qu’il détient, dans son grenier, un violon extraordinaire, le Prince. Avec l’aide de sa nouvelle amie Elisa, Etienne se procure ce violon, est contraint de le réparer, et en découvre peu à peu l’histoire, en particulier sous l’Occupation. Ce violon est-il maudit, comme le prétend Elisée ? ou l’instrument qu’il faut apprendre à dompter pour être reçu à l’audition au Conservatoire de Paris qu’il prépare ?

Mylène Mouton propose ici son premier roman pour adolescents, et joue de toutes les cordes du violon avec bonheur. En effet, après deux avant-textes déroutants pour le lecteur – le premier où il est question d’hommes squelettes, de Zombras, de pièges et second extrait des carnets secrets d’E.F. où il est question du Maudit, d’un Noël 75 ans plus tôt – le roman classiquement s’inscrit dans une perspective réaliste : dans les Alpes – en Chartreuse vraisemblablement – des ados vont rendre une visite dans une maison de retraite, lieu de la perte de mémoire et des comportements étranges qui les font surnommer Zombras par le narrateur. Le roman poursuit son cours, s’inscrivant dans les relations sociales au collège, les transports scolaires, la relation naissante entre le narrateur et Elisa. Roman familial aussi, avec des familles particulièrement bien dessinées. La découverte du violon entraine le roman dans un fantastique qui poursuit  une lignée de textes – du XIXème siècle en particulier – où les violons sont maléfiques, vivants et remplis de pouvoirs. Pour préserver le plaisir de la lecture et de la découverte, on n’en dira pas plus ici sur ce que permet ce violon, le Prince. C’est alors l’histoire du violon que peut reconstituer Etienne, depuis sa naissance dans un quartier juif de Vitebsk au XIXème siècle jusqu’à son dernier propriétaire, M. Alex, violoniste et danseur de tango émérite. L’histoire du violon croise donc les heures sombres des pogroms en Russie, des exils, de la Shoah.

Toutes les cordes du violon, c’est aussi le jeu avec la polyphonie : à la voix du narrateur se mêle celle de son double, Elisée, de 75 ans son ainé, voix que l’on entend à travers des extraits de son carnet secret. D’un côté la vieillesse, et une vie qui aurait pu être autre, vie d’un artisan rongée par la culpabilité, de l’autre la jeunesse, la quête d’un père musicien absent, la découverte d’un passé tragique, et l’espoir d’une autre vie où l’art aura sa place. Ajoutons deux autres personnages, dont les voix sont plus ténues, bien qu’importantes au travers des dialogues : M. Alex, beau et brillant, expliquant que le tango est la danse de l’amour, et Elisa, jeune fille gothique, en apparence aux antipodes d’Etienne, mais aide fondamentale pour le héros.

Toutes les cordes du violon, c’est évidemment la musique, présente sur tout le roman : la musique du tango, et l’on croit entendre d’une page à l’autre Astor Piazzolla et les tangos yiddish, entre nostalgie et désir, la musique klezmer  aussi, les concertos de Vivaldi enfin… Musique des ghettos, orchestres des camps de concentration, les musiques se mêlent dans cette composition particulière, à la fois entrainante et lourde de sens.

Toutes les cordes du violon, c’est enfin le jeu entre le Bien et le Mal, sans manichéisme, entre l’amour et l’indifférence, voire la haine de l’autre.  Le violon sépare-t-il ou unit-il ? La fin optimiste parle de bonheur et de sérénité retrouvée.

Un beau roman, aux multiples résonances, qui conjugue l’histoire individuelle et l’Histoire avec un grand H, tout en s’inscrivant dans un genre fantastique parfaitement maitrisé.

Noun et Boby

Noun et Boby
Praline Gay-Parra, Lauranne Quentric (ill.)
Didier Jeunesse, 2019

Sans mièvrerie

Par Christine Moulin

Il y a récit de quête et récit de quête. Dans la littérature de jeunesse, les parcours et les arrivées sont parfois stéréotypés et un peu mièvres. Rien de tout cela avec cet ouvrage au titre pourtant neutre. Le cadre fait la différence: un petit garçon, Noun, est seul, ou presque, dans une ville toute grise désertée, dévastée, par une guerre sans doute: les papiers collés qui la représentent en font un lieu fantomatique et oppressant. Le point de départ est également original et émouvant: Noun part à la recherche d’un chien, Boby, qu’une de ses voisines a abandonné, en s’enfuyant dans un taxi. Au cours de son périple, il est amené à sauver d’autres animaux que Boby: un  oiseau, qu’on peut voir comme un symbole de liberté, une chatte et ses petits, qui indique que la vie continue et qu’une renaissance est possible, au milieu du désastre. Tous les éléments qui peuvent signifier l’espérance sont dessinés et se détachent sur le décor, en particulier Noun, vêtu de rouge, qui souligne combien il est porteur d’une énergie généreuse qui l’emporte sur la pesanteur de la catastrophe. L’avant-dernière double page, par contraste avec les autres, est une explosion de couleurs et ouvre vers un lieu enfin accueillant, où se trouvent de nombreux animaux et… Boby, dont le collier rouge évoque le lien indéfectible avec son nouveau maître. La dernière double page est une merveille de tendresse apaisée. Heureusement car on aurait pu interpréter la descente de Noun vers le paradis des animaux dans un sens beaucoup plus tragique.

Double 6

Double 6
Emmanuel Trédez
Didier Jeunesse 2019

Le roman d’un tricheur

Par Michel Driol

Hadrien, élève de 4ème, a disparu. Qui est-il vraiment ? Frimeur un jour, timide le lendemain, auteur de haïkus un jour, bagarreur le lendemain, amoureux  de Midori un jour, indifférent le lendemain.  Deux policiers mènent l’enquête, interrogent les élèves de sa classe, et plus l’enquête avance, plus le personnage semble double. Pourquoi cache-t-il l’existence de son frère ? Bien sûr, on aura compris qu’il s’agit d’une question de gémellité et d’une sombre machination bien au point montée par les deux frères…

Le roman suit l’enquête de la police, et chaque chapitre livre un regard nouveau sur Hadrien, porté par un de ses camarades. C’est l’occasion aussi  de faire le portrait de ces adolescents. On retiendra en particulier Midori, qui fait des listes, et se questionne sur l’amour. Car, au-delà de l’enquête, le roman aborde quelques problématiques liées à l’adolescence : la question de la mort des parents, la crainte de l’échec scolaire et les façons de tricher pour l’éviter, les premiers émois amoureux, la difficulté à se trouver et à être soi, la malchance qui semble accompagner certains dès leur enfance, le mensonge dans lequel on s’enferme. La question du double, présente dès le titre comme une clé de lecture, incarnée par le couple que forment les jumeaux, traverse tout le roman : qu’est-ce que la perfection du double six, coup de dé sur lequel Hadrien engage sa vie ? Le couple est-il une figure de la perfection dans la complémentarité ? Le roman, écrit dans une langue simple, fait la part belle aux dialogues, mais aussi aux écrits des deux personnages principaux : les haïkus d’Hadrien, les listes de Midori se répondent, échos de la poésie orientale et de Shei Shonagon…

Un roman choral, presque polyphonique, agréable à lire qui dresse des portraits d’adolescents d’aujourd’hui.

Petite Frida

Petite Frida
Anthony Browne
Kaléidoscope, 2019

Une histoire de Frida Khalo, vraiment ?

Par Christine Moulin

Ce qui est extraordinaire avec les grands auteurs, c’est qu’ils nous racontent toujours la même chose, mais à chaque fois de façon différente. Bien sûr,  Anthony Browne, en s’inspirant du tableau Les deux Frida, nous parle de Frida Kahlo, de ce qui l’a amenée à devenir peintreOfficiellement.

Et pourtant tout l’album nous parle surtout de l’univers d’Anthony Browne, ne serait-ce que par l’élément qu’il a retenu et mis en valeur dans la vie de Frida Kahlo, l’invention d’une amie imaginaire pour compenser la solitude et a tristesse provoquées par les moqueries de ses camarades devant son handicap: Marcel n’est pas loin. On reconnaît aussi Alice qui tombe dans les entrailles de la terre après avoir franchi une porte minuscule (l’image rappelle également la courageuse exploratrice de l’album Le Tunnel). On retrouve le subterfuge employé par Petit Ours (qu’on aperçoit dans l’illustration de la dernière page) pour s’échapper hors d’une réalité décevante: il suffit d’utiliser un crayon magique (devenu ici un doigt qui dessine sur une vitre embuée) et de tracer une porte qui ouvre vers un monde magique. On retrouve même le corniaud de Une histoire à quatre voix, qui est à la fois le compagnon et le double de Frida (puisqu’il lui manque une patte).

A travers ce « portrait très personnel de la petite Frida », comme l’avoue la quatrième de couverture, l’album tout entier est une ode à la puissance de l’imagination et de la création pour surmonter la douleur d’exister.

De l’arsenic pour le goûter

De l’arsenic pour le goûter
Robin Stevens
Flammarion jeunesse, 2017

Élémentaire, ma chère Watson

Par Christine Moulin

Si l’on veut initier les plus jeunes à la lecture des aventures de Sherlock Holmes ou des livres d’Agatha Christie, voilà une série de 6 ouvrages qui peut s’avérer précieuse. De l’arsenic pour le goûter en est le deuxième tome. Tout est délicieusement vintage et british : l’intrigue se situe dans les années 30, le décor est un vieux manoir, isolé comme il se doit, dans la tradition des Dix petits nègres, par une tempête. Le plan en est fourni dès les premières pages, donnant à l’ouvrage une allure de Cluedo. Les personnages, nombreux, sont volontairement stéréotypés et traités avec un humour postmoderne de bon aloi : « […] lorsque je l’ai vu, j’ai eu l’impression de me trouver face à un personnage de fiction. Cette impression était renforcée par le fait qu’il ressemblait beaucoup au héros d’un roman d’espionnage » (p.42). Les deux héroïnes rappellent le couple Sherlock/Watson: Daisy, l’enquêtrice, est autoritaire, légèrement odieuse et très sûre d’elle. La narratrice, qu’elle traite souvent avec une légère condescendance, s’avère souvent très perspicace… L’enquête est fondée sur le raisonnement et l’élimination progressive des suspects, matérialisée par le fac simile d’une liste qui figure au centre de l’ouvrage. L’intrigue abonde en retournements et en fausses identités mais il faut reconnaître que toutes les pistes trompeuses sont traitées et élucidées à la fin, selon les lois immuables (mais pas toujours respectées…) du genre.

L’année des pierres

L’Année des pierres
Rachel Corenblit
Casterman 2019, coll. « Ici/maintenant » dirigée par Vincent Vuilleminot.

 L’année où tout est arrivé

 Maryse Vuillermet

Dix adolescents français mal dans leur peau, envoyés de force par leurs parents ou volontaires,  partent étudier un an au lycée français de Jérusalem. Ils sont à l’internat,  en seconde.
Daniel, le narrateur semble nonchalant et passif mais rien ne lui échappe, Avec lui, Christophe, son compagnon de chambre veut se faire appeler Samson pour être plus juif, les jumelles Anna et Anaïs, Sonia, Benjamin, Rose et la lumineuse Lucille que son frère a précédée en tant que soldat de Tsahal.

La quatrième de couverture est géniale et donne une idée de la complexité de ce roman :
« Ce n’est pas parce qu’on est paumés loin de chez nous qu’on se ressemble
Ce n’est parce qu’on devient amis que les choses seront plus simples
Ce n’est pas parce qu’ils nous prennent pour cibles qu’ils sont nos ennemis
Ce n’est pas parce qu’on est montés dans ce bus qu’on redescendra indemnes »

Ce roman est en effet remarquable
– par la narration qui va et vient dans le passé de chaque jeune pour nous expliquer son parcours et chaque raison différente de se retrouver là, dans le futur de leur vie d’adulte ils se reverront ou pas, dans le temps de leur vie à Jérusalem et dans le temps de l’attaque de bus, temps dilaté car c’est là que tout se joue
– par la richesse des vies de ces ado, ils s’aiment, se fuient, se détestent, sont riches ou pauvres, croyants ou pas…
– par l’événement qui bouleverse leur vie, leur présent mais aussi la relation qu’ils avaient avec leur passé et leur famille.
Le roman s’ouvre par une attaque de pierres qui s’abat sur le bus scolaire qui les emmène en voyage culturel. Le chauffeur est tué, l’accompagnateur blessé, les élèves terrifiés. Mais coup de théâtre, l’armée intervient et arrête tous les lanceurs de pierres, c’est lé début de l’intifada, la guerre des pierres de 1987.
On revient alors par de longs flash back sur l’arrivée des jeunes, leur rencontre et la formation d’une amitié très profonde. « Tous les dix, nous sommes liés, rien ne peut nous briser ».
Puis retour à l’attaque, l’armée place les hommes du village en ligne et fait défiler les jeunes du car, un par un, pour qu’ils désignent ceux qui ont lancé les pierres.
Certains le font avec rage et haine, d’autres s‘y refusent car ça leur rappelle des histoires qu’ont racontées les grands parents,  des histoires de dénonciation qui les ont envoyés à la mort.
On a aussi une autre intrigue, Daniel retrouve à Jérusalem son grand-père Daniel qu’il ne connaît pas,  dont sa mère ne lui a jamais parlé, il faudra attendre la fin du récit pour découvrir une vérité effroyable, qui a un lien avec l’affaire du bus.
Au début, je trouvais le roman un peu trop univoque, un peu pro juifs, mais peu à peu, l’équilibre se fait grâce à Daniel qui a un regard juste et intelligent.
C’est un roman d’ados parce qu’ils en sont les personnages principaux mais sa richesse et sa complexité sont d’une profondeur sans âge.

L’attaque des cubes

L’attaque des cubes
Marine Carteron
Rouergue, 2018

Antoine le geek

Par Christine Moulin

A moins que vous ne soyez un fan de Minecraft, ce n’est sans doute pas l’intrigue de ce roman qui peut vous séduire: deux collégiens, Antoine et Vénus vont être entraînés dans une histoire rocambolesque où, pour faire court, ils pénètrent au cœur du jeu video Minecraft pour sauver leur famille, leur ville et le monde et les empêcher d’être zombifiés par le Grand Méchant. Le train-train, quoi.
Ce qui peut paraître plus intéressant, en revanche, ce sont les personnages: Antoine, le narrateur, « maxi-trouillard », mauvais élève qui cache ses failles et ses fêlures (en particulier l’absence de sa mère, sa solitude quotidienne) sous une gouaille réjouissante; Vénus, la copine énergique qui, elle, est la meilleure de la classe; Adem qui, à la différence des deux autres enfants, n’habite pas un « appartement microscopique » en haut d’une tour mais une maison avec une piscine « où on n’a pas pied ». C’est bien la description réaliste de ces trois ados qui peut le mieux retenir le lecteur, grâce, notamment aux allusions qui sont faites aux films et aux séries qu’ils regardent. La culture « geek » est à l’honneur!
Les tribulations de ces trois héros sont racontées le plus souvent avec humour et le texte est agrémenté d’effets typographiques attrayants. Bref, l’ensemble peut plaire à des lecteurs assez jeunes et qui sait? attirer les « gamers »!

La Fille cachée du roi des Belges

La Fille cachée du roi des Belges
Brigitte Smadja, illustrations de Juliette Bailly
L’école des loisirs (neuf), 2018

Mystère à l’école

Par Anne-Marie Mercier

Lorsqu’une nouvelle élève, nommée Bérangère, arrive dans la classe de CM2 de Noisy-Le-Sec, c’est la révolution : certains garçons, dont Mehdi, le narrateur, tombent sous son charme et perdent tous leurs moyens; ils en oublient leurs autres ami.es et leurs comportements habituels. Certaines filles sont entre désir d’imiter et détestation. Tous finissent par vouloir son départ tant elle aura troublé les habitudes de la classe.
Le fait qu’on ne sache pas d’où elle vient, pourquoi elle est autorisée à arriver en retard tous les matins, pourquoi elle mange à l’école mais pas à la cantine, et pourquoi elle est accompagnée par un homme en costume qui a une allure de chauffeur dans une voiture de luxe, tout cela reste mystérieux et le restera jusqu’à la fin malgré les hypothèses intéressantes émises par Mehdi et ses ami.es.
Si le personnage du narrateur est touchant et timide, et d’autres de ses amis et amies bien campés (des jumeaux, une copine énergique qui fait du skate, etc.), l’intérêt du livre tient surtout à la situation dans laquelle se trouve Bérangère : elle déchaine sans le vouloir une agressivité qui dégénère en violence, le maitre perd son autorité, tout menace de virer au drame.
La réponse à la question « qui est Bérangère ? » n’est sans doute pas qu’elle est la fille cachée du roi des belges; elle est peut-être proche des hypothèses faites par Mehdi et ses ami.es à la fin du volume, l’auteur ne conclut pas, ce n’est pas le plus important. Ce qui est important, c’est le mécanisme de la rumeur, des comportements grégaires, de la curiosité excessive. Cet engrenage est ici mis en évidence mais la gravité du propos n’interdit pas l’humour et les situations cocasses ne manquent pas non plus.

Hugo aime Joséphine

Hugo aime Joséphine
Sophie Dieuaide
Didier jeunesse 2019

 

Premiers émois

 Maryse Vuillermet

 

 

 

Hugo, le narrateur, onze ans, trouve les filles nulles,  elles ne savent que faire des histoires, dire du mal des autres, n’ont aucun  intérêt. Au collège, il devient le macho  de service, mis  en quarantaine par les filles.

Mais voilà que Joséphine arrive, cette nouvelle est différente, elle ne ricane pas, ne dit du mal de personne, et surtout elle est très,  très belle.

A partir de là, les points de vue de Hugo et de Joséphine alternent pour raconter leur rencontre. La narration est entrecoupée de définitions de mots que Hugo cherche à connaître et d’extraits de leur journal respectif.

Cette intrigue,  qui pourrait sembler très banale,  devient,  par la grâce de leur style, de leurs dessins et de leur personnalité,  drôle et  touchante.

 

L’arrêt du cœur

L’arrêt du cœur
Agnès Debacker
MeMo Polynie

Portrait de la vieille dame à la théière aux secrets…

Par Michel Driol

Depuis que Simone, sa voisine, son ancienne nounou, est décédée, Simon demande sans cesse à la concierge de lui raconter comment elle a découvert la mort de Simone. Difficile d’accepter qu’un jour on puisse être en bonne santé, et que le cœur s’arrête.  Tout en se souvenant des bons moments passés ensemble, Simon repense à la théière aux vœux, une théière rouge dans laquelle Simone et lui mettaient des petits papiers, avec leurs vœux. Et interdiction de les lire, sinon ils ne se réaliseraient pas. Alors Simon ose entrer dans l’appartement de Simone, et prendre la théière, la cacher chez lui, et surtout lire les vœux. Il y découvre les siens, ceux de la nièce de Simone, et ceux de Simone qui lui révèlent un amour inconnu pour un certain Farid. Qui était-il ? L’enquête commence, jusqu’à découvrir des pans oubliés de l’histoire de Simone, et de la France aussi…

Il ne faut pas oublier le sous-titre : Comment Simon découvrit l’amour dans une cuisine ? On a affaire ici à un roman d’initiation, dans lequel un enfant apprend que les grandes personnes ne sont pas ce qu’il croit qu’elles sont, et qu’elles ont une vie plus complexe. Le roman explore avec finesse la relation intergénérationnelle entre Simon et Simone, cet attachement des enfants  à des figures de grands-parents que l’on croit connaitre, mais dont on ignore presque tout de la vie. Cette relation est faite de tendresse et de rituels, comme celui de la théière aux secrets. Il n’est pas simplement question ici de faire son deuil, même si cette dimension est fortement présente, il s’agit de s’approcher de la vérité d’un être humain que l’on croyait connaitre, de son histoire, de ses amours. C’est ce que porte le titre, dans sa polyvalence autour du mot arrêt. La quête, véritable enquête policière,  fait revivre un passé plein d’émotions, qui revient avec ses joies et ses peines, un passé individuel qui se mêle à la grande Histoire, et explique en quoi les personnages sont meurtris.  Les personnages sont attachants, en particulier Simon, le narrateur, avec ses angoisses, ses craintes, son chagrin, sa naïveté, sa bonté… un personnage qui passera de l’ombre du chagrin à la lumière de la vie devant lui, surprenante et belle.  Le tout est écrit dans une langue claire et précise, qui joue avec bonheur de la longueur et du rythme des phrases.

 Un roman sur les secrets qu’il faut bien finir par mettre au jour, un roman touchant pour faire aimer la vie, et un beau portrait de femme.