Ours d’hiver

Ours d’hiver
Irène Schoch
Editions des éléphants 2023

V’là l’Hiver et ses dur’tés / V’là l’ moment de n’ pus s’ mettre à poils

Par Michel Driol

Aldo, comme chaque année à la fin d’un automne un peu plus long et chaud que d’habitude, découvre qu’il y a un parking à la place de sa tanière. Le voilà obligé d’affronter l’hiver, de trouver un abri, des vêtements chauds, des petits boulots. Dans ce monde dur, quelques coutumes l’étonnent, comme Noël , la galette des rois ou le carnaval. Il découvre enfin la solidarité de toutes celles et ceux qui l’aident à attendre l’été.

Il n’est pas simple d’aborder la question des sans-abris, du monde de la rue, avec des enfants. Irène Schoch le fait ici avec beaucoup de sensibilité. En choisissant d’abord d’inscrire son récit, par les illustrations, dans un univers composite où cohabitent des animaux très différents – mais anthropomorphisés – et des humains. Si l’on est bien dans un univers urbain, celui-ci est en quelque sorte étrangisé  par la diversité de ses habitants. Ensuite en choisissant de faire d’Aldo un narrateur toujours positif, content de ce qui lui arrive, satisfait de son sort. Cette solution narrative plonge le lecteur au plus près de ses émotions, réactions, inquiétudes et surprises devant cet univers de l’hiver qu’il découvre pour la première fois. Se mêlent ainsi, mises sur le même plan par le récit,  la dure découverte du monde de la précarité et celle, plus légère, de l’hiver et de ses coutumes par un animal étranger à cette saison. Le choix de l’ours n’est pas anecdotique* : c’était, au moyen âge, l’animal considéré comme étant le plus proche de l’homme (par sa stature, sa capacité à marcher sur deux pattes), il est aussi, en version jouet, le nounours dont chacun sait l’importance qu’il occupe dans l’imaginaire enfantin. C’est enfin par la façon de montrer le refus de l’exclusion et la solidarité active de toutes et tous que l’album illustre des valeurs d’entraide et de partage bien nécessaires aujourd’hui.  Pas de pathos, mais beaucoup de tendresse donc dans ce récit qui se situe par ailleurs dans un monde très contemporain : celui d’un changement climatique avec des automnes plus longs, celui d’une disparition de la nature sauvage pour faire place à une urbanisation de plus en plus poussée. Pas d’angélisme non plus : les premiers temps d’Aldo dans l’hiver sont difficiles. Pudiquement, il avoue n’être « pas toujours le bienvenu ». On appréciera la délicatesse de la litote. Les illustrations, pleines de couleur et de vie, sont très complémentaires du texte. Elles montrent des personnages le plus souvent souriants, complices.

Faire découvrir à des enfants l’hiver du point de vue des sans-abris, voilà le défi que relève avec justesse cet album porteur d’un bel espoir dans l’humanité !

* On rapprochera ce choix de celui de Franck Tashlin dans Mais je suis un ours moi !, dans les années 1970.

Petits mondes

Petits mondes
Agnès Domergue, Clémence Pollet
HongFei, 2023

Grand bonheur

Par  Anne-Marie Mercier

Ces petits mondes, ce sont les petites choses qui tombent sous nos sens : voir, entendre, sentir… tout ce qui fait le vivant. A hauteur de petit enfant, c’est une déclinaison des parties du corps qui les accueillent, attribuées chaque fois à un animal différent avec une forme découpée : oreilles de lapin, nez de chat, bouche de grenouille (grande !)…
Mais, magie ! à la tourne de page, la découpe montre un objet de même forme : la feuille pour l’oreille, la fleur pour le nez, la pomme… la lune qui devient soleil, c’est le monde qui se déplie, avec ses petits et grands bonheurs.

« Aimer le monde », c’est la proposition de la dernière page, et effectivement cet album aux apparences modestes (petit format carré, formes simples, couleurs suaves), y invite merveilleusement.

Bordeterre

Bordeterre
Julia Thévenot
Sarbacane (X’), 2020

Un beau pavé dans le lac

Par Anne-Marie Mercier

Inès et son frère Tristan plongent malgré eux dans un univers parallèle alors qu’ils sont en vacances avec leur mère. Ils affrontent un monstre qui les rend quasi transparents et amnésiques. À partir de cet épisode, ils devront reconstruire pas à pas leur identité et tenter de retrouver et renouer le lien qui les unit. Cela se fera aussi en affrontant de nombreuses épreuves et en résistant à un régime tyrannique. Or, Inès a douze ans et si son frère Tristan en a dix-sept, il est encore plus démuni qu’elle : il bégaye et est incapable de regarder les autres et de s’en approcher physiquement ; même si aucun diagnostic n’est posé, on devine la nature de sa difficulté.
L’univers dans lequel ils plongent est complexe, avec une organisation sociale particulière (aristocratique, oligarchique) dominée par une Gouverneure lointaine dotée de pouvoirs terrifiants, une police implacable aidée par des créatures étranges, petits elfes à trois yeux, esprits tirés du mystérieux lac voisin, dressés pour contrôler la population. Tout est construit autour d’un système d’esclavage dans lequel les « transparents », c’est-à-dire les nouveaux arrivés, sont exploités, enfants comme adultes, jusqu’à la quatrième génération. Des pierres mystérieuses, récoltées au fond du lac, produisent l’énergie nécessaire aux machines, permettent de chauffer, de guérir et même de voler… Cette énergie est mise en œuvre par le Chant, pratique interdite au peuple (par exemple, une chanson de Nana Mouskouri, « quand tu chantes, quand tu chantes, ça va… », peut guérir toutes les blessures) : aussi la chanson et la poésie sont-elles au cœur des préoccupations des personnages, pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Inès a la « chance » d’être repérée par un jeune prince, Philadelphe de Saint-Esprit, et est recrutée pour l’aider : il est celui qui a la charge de la récolte des pierres, l’un des rares qui soit capable, tout comme Inès, de plonger dans le lac que personne n’ose approcher, et encore moins toucher. Les scènes de plongée sont merveilleuses, sources de bien-être et de paix, lieu de rencontre avec les esprits des morts.
De nombreux personnages attachants gravitent autour des héros et de Philadelphe, chacun mu par un souci particulier, des intérêts vitaux, une histoire, et même une généalogie particulières. Confusion des sentiments, conflits de loyautés, grands courages et petites lâchetés les assaillent. Il n’y a pas de super héros, mais des humains qui luttent pour leur liberté, pour leurs amis et pour leur amour.
La narration est portée par un beau style, tantôt fluide tantôt heurté, imitant les systoles et diastoles d’un cœur inquiet. C’est beau et inventif, un grand plaisir de lecture qui dure (plus de 500 pages).
La liste des chansons en fin de volume forme un tableau intéressant de la chanson populaire (Luis Mariano, Prévert, Gainsbourg, Souchon, Pink Martini, Mickey 3D…) et de la poésie savante (Louise Labbé, Aragon, e.e. cummings, en passant par La Fontaine avec «Le Loup et le chien », fort à propos).

 

Les Mésanges – Abi (tome 1)

Les Mésanges – Abi (tome 1)
Audrey Bischoff
Rouergue 2022

De l’ombre à la lumière

Par Michel Driol

Abi est élève de 4ème. Dans sa famille, il y a sa mère, d’origine américaine, son père, sa sœur et son frère. Un beau matin, sa mère disparait. Et c’est tout l’équilibre familial qui s’en trouve rompu.

Belle galerie de personnage dans ce roman. Il y a d’abord Abi, touchante parce qu’elle fait tout pour passer inaperçue, dans ses tenues, son comportement, Abi qui devra affronter le départ incompréhensible de sa mère, et ses premières règles. Il y Adam, le meilleur ami d’Abi, garçon sympathique et dévoué. Il y a Maël, plus grand, qui semble amoureux d’Abi et auquel elle n’est pas indifférente. Et il y a Lila, une nouvelle copine, l’exact opposé d’Abi, qui ne fait rien pour passer inaperçue, et qui va l’initier à une autre façon de voir le monde. Voilà donc quelques représentants de l’adolescence. Il y a aussi le mystère qui plane sur la disparition de la mère d’Abi, qui semblait tout à fait heureuse, exubérante, mais ce bonheur ne masque-t-il pas des fêlures ? Le ton du roman est enlevé, drôle, montrant comment petit à petit Abi sort de sa zone de confort, de la façon – écologique et hygiéniste – dont sa mère l’a élevée pour aller vers autre chose et assumer sa féminité.

Un premier roman familial, inscrit dans le cadre d’une classe moyenne de banlieue, petits pavillons du lotissement des Mésanges, petits immeubles, dans un milieu où tout le monde se connait pour tracer le portrait d’une certaine adolescence.

Dix-huit ans, pas trop con

Dix-huit ans, pas trop con
Quentin Leseigneur
Sarbacane 2023

Dans la solitude de l’escalier, entre le 4ème et le 5ème étage

Par Michel Driol

Midi – minuit, ce sont les horaires pendant lesquels Hichem doit dealer dans un escalier avec son copain Rachid. Au fil des heures tandis que défilent les clients, parfois la police, les patrons, Hichem évoque sa vie, son amour pour Leïla, sa famille. C’est ce samedi-là que ses patrons lui donnent un ordre qui sort de l’ordinaire.

Dix-huit ans, pas trop con, c’est un long monologue que rythment les heures, tout au long duquel se dévoile un garçon intelligent sans doute, sensible, un garçon auquel, au fil des pages, le lecteur ne peut que s’attacher. D’abord parce que ce monologue revisite les idées reçues sur la banlieue. De l’aveu même du héros, il se considère comme normal, avec une famille normale, aimante, dont les deux parents travaillent, dont les deux sœurs ainées sont étudiantes, et le petit frère écolier. Famille soudée qui ne se doute pas de ce que trafique Hichem. Il a des copains depuis l’école maternelle, une bande qui se suit, dans laquelle chacun a sa particularité (le sportif, le pâtissier…), ses rêves et ses désirs. Il est amoureux d’une fille qui poursuit ses études, alors que lui a arrêté. Il rêve de l’emmener en voyage, de vivre avec elle. On le sent pris dans des réseaux de contradictions, entre ses conceptions morales, ses fidélités et le trafic de drogue, devenu une petite industrie, avec ses chefs, ses guetteurs, ses vendeurs, son organisation aussi structurée que celle de n’importe quelle entreprise. Le danger et la violence en plus, peut-être. Ce sont les contradictions dans lesquelles il se débat, qu’il expose, qu’il vit qui le rendent attachant. D’autant plus que ce monologue est porté par une langue singulière, mélange de français standard, de mots de banlieue (un lexique fort utile figure à la fin de l’ouvrage), de verlan… Bref, une langue vivante, vibrante, qui n’a pas qu’un aspect esthétique, mais est partie prenante de l’identité et de la vision du monde du narrateur, l’expression de cet entre-deux où il vit, entre intégration et désintégration, entre norme et écart, entre rêves de futur, souvenirs du passé, et présent humide et froid. Ce qui rend aussi le héros attachant, c’est la rare empathie que manifeste l’auteur à son égard, dans la construction de ce personnage, dans celle de son discours, et cela sans aucun angélisme. Hichem, un adolescent comme les autres, n’est ni innocent, ni victime, ni bourreau. Il est tout cela à la fois, et c’est ce qui fait la richesse de ce texte, qui avec ses marques d’oralité, pourrait devenir un texte de théâtre dense et riche. Respectant les unités de lieu (un escalier), de temps (une demi-journée), d’action (la vente), c’est un texte sans aucune boursouflure.

Un premier roman noir, lucide, émouvant, d’un auteur qu’il faudra suivre !

Jonas, le requin mécanique

Jonas, le requin mécanique
Bertrand Santini, Paul Mager (ill.)
Grasset Jeunesse, 2023

Mort et renaissance d’une star du cinéma hollywoodien
(les étoiles sont éternelles)

Par Anne-Marie Mercier

On connait le goût de Bertrand Santini pour l’étrange, les histoires un peu sombres et l’humour grinçant  avec Miss Pook et les enfants de la lune, Hugo de la Nuit (Prix NRP de la revue des professeurs de collège ), et Le Yark (lauréat de nombreux prix, traduit dans une dizaine de langues adapté au théâtre sur des scènes nationales). Tout cela se retrouve, adouci, dans ce livre étonnant.
Jonas est un grand requin blanc, ou du moins il y ressemble : il a été utilisé pour un film à succès (on devine que c’est Les Dents de la mer de Spielberg, 1975) mais il n’a jamais bien fonctionné (comme son modèle). Dans ce roman, il finit sa vie dans un parc d’attraction sur les hauteurs de Hollywood, avec d’autres monstres comme Godzilla. Il est censé faire frémir les foules en dévorant une nageuse sous leurs yeux (enfin, en faisant semblant…). Après une énième panne, on décide de le mettre à la casse. Apprenant cela, ses amis décident de l’aider à rejoindre la mer (souvenez-vous, ça se passe à Los Angeles…, épique !). Une fois dans l’eau, il devient ami avec un manchot qui veut rejoindre le pôle, puis fait un dernier show (panique et chasse au requin avec un vétéran, comme dans le film), rencontre un autre requin (un vrai, ça se passe mal), a des états d’âme, risque la panne d’essence, rencontre une baleine…
La suite est renversante, on ne le gâchera pas en la racontant. C’est surprenant, très drôle, touchant, ça mêle le fantastique et l’effroi au conte de fées (la fée est bleue, bien sûr, comme l’océan et comme les images bleutées de Paul Mager. Ses planches en pleine page accompagnent superbement cet hommage au cinéma et à ses anciennes stars mécaniques, les ancêtres des effets spéciaux, qui s’achève en beau conte initiatique.

« Paul Mager est diplômé de l’école de cinéma et d’animation Georges Méliès. Depuis 2003, il a travaillé sur les personnages et décors de nombreux projets, comme Un monstre à Paris (Europacorp), Despicable me ou Minions (Universal studios). »

 

La Prophétie de Béatryce

La Prophétie de Béatryce
Kate DiCamillo – Illustrations de Sophie Blackall
Seuil 2023

La fillette, le moine et la chèvre

Par Michel Driol

A une époque non précisée, quelque chose comme le Moyen Age, Frère Edik qui va nourrir Answelica, la chèvre capricieuse du monastère, découvre une petite fille, Béatryce. Serait-elle celle dont parle la prophétie que les moines comme lui on écrite dans les Chroniques de l’ordre du Chagrin : Un jour, viendra une enfant qui détrônera un roi et amènera un grand changement ? Cette fillette sait lire et écrire, chose rare et dangereuse pour les filles à cette époque, et on découvre vite qu’elle est recherchée par le roi. Déguisée en moine, s’enfuyant pour rencontrer le monarque, elle se lie d’amitié avec un garçon débrouillard, Jack, et un vieil homme plein de secrets, et accompagnée de Frère Edik et de la chèvre, va affronter les soldats, le conseiller et le roi…

Ce roman, orné par des illustrations en noir et blanc en forme d’enluminures, ne manque pas de charme. D’abord par sa galerie de personnages. Une chèvre à qui ne manque que la parole, têtue comme celles de sa race, mais attachée à Béatryce qu’elle accompagne partout, protège et défend sans relâche. Un moine à l’œil fou, plein d’amour pour les autres, un peu peureux, encore aux prises avec les traumatismes de son enfance et de ses rapports avec son père. Un gamin espiègle, plein de ressources, élevé par une vieille femme aujourd’hui morte, mais peut-être réincarnée en abeille. Un vieillard plein de sagesse, dont on ne révélera pas ici quel est le secret… Bien sûr sans oublier les méchants… le conseiller du roi, les soldats, les bandits. Tout ceci nous emmène dans un Moyen Age proche du « il était une fois… » du conte. Un conte dont l’héroïne est bien sûr une fillette amnésique à la recherche de son passé, et de l’accomplissement de son destin. Un conte qui parle de féminisme et d’éducation : la mère de Béatryce a voulu qu’elle apprenne à lire, comme ses frères. Elle apprendra à son tour à lire à Jack. Un conte dans lequel la société impose aux femmes de se tenir au second rang, mais qui les montre parvenir à imposer une autre vision du monde. Un conte qui parle du pouvoir, de ses effets sur les individus, de la façon de l’exercer ou d’y renoncer. Mais c’est aussi un conte qui évoque notre rapport aux prophéties et aux légendes. Les premières ne valent-elles que parce qu’on croit en elles ? Quant aux secondes, comme dans les Mille et une nuits, elles peuvent sauver une vie, et révéler la vérité des situations, avec un clin d’œil à la Petite Sirène sous forme de mise en abyme… Charme enfin de la construction de ce récit quelque peu atypique, qui propose différentes situations, comme différents fils narratifs que le récit va, petit à petit, coudre ensemble jusqu’à la rencontre finale de tous les personnages.

Entre conte et roman d’initiation, un récit sur l’amour et le pouvoir des mots, mais aussi sur une enfant qui veut trouver sa place dans le monde, écrit pas une autrice américaine trop peu traduite en français.

La Vie à la montagne

La Vie à la montagne
César Canet
Sarbacane 2023

Question d’équilibre !

Par Michel Driol

Olaf, Olga et leurs deux jumeaux vivent sur une maison perchée en équilibre tout au sommet d’une montagne très pointue. Pour que la maison ne glisse pas en bas de la pente, il faut faire très attention à ne pas la déséquilibrer, tant en ce qui concerne les repas que les rêves… Lorsque l’harmonie est rompue, la maison dévale au fond de la vallée, où elle trouve une assise bien meilleure, mais sans la vue sur les sommets environnants. Alors toute la famille remonte pièce à pièce la maison, la reconstruit un peu différemment, avec plus de stabilité… jusqu’au moment où un vent plus violent que d’habitude l’emporte au loin.

Avec beaucoup d’imaginaire, cet album très joyeux aborde le thème du vivre ensemble, et des contraintes de la vie en société, sous un angle original. L’équilibre parfait existe-t-il ? A quelles conditions d’écoute de l’autre ? Tout doit forcément aller par deux pour que les deux plateaux de la balance restent équilibrés… que deviennent alors l’individu et ses désirs propres ? Cette fable proche de l’absurde montre cette maison utopique avec beaucoup d’humour à travers une série de situations cocasses portées aussi bien par le texte que par les illustrations. Le narrateur n’est autre que le neveu d’Olaf et Olga, qui, dans une langue proche de l’oralité, avec ses onomatopées, est témoin de cette vie de famille à la fois loufoque, parfaitement réglée, et pleine d’énergie ! C’est lui qui reçoit la carte postale finale l’invitant, accompagné bien sûr, au nouvel emplacement de la maison. Les illustrations, particulièrement colorées, jouent sur la symétrie à tous les niveaux,  et n’hésitent pas à montrer la maison en coupe dans un paysage naïf à souhait !

Premier album de son auteur, César Canet, La Vie à la montagne révèle un univers plein de fantaisie et de gaieté, et prend la forme de la fable pour aborder, sans se prendre au sérieux, les questions de l’équilibre à trouver dans la vie familiale… et sociale !

À bicyclette

À bicyclette
Dominique Ehrard
(Les Grandes Personnes), 2022

En selle, Marcel.le !

Par Anne-Marie Mercier

Ce très joli livre pop-up créé par l’auteur d’Esprit es-tu là ?, tout en proposant des découpes raffinées dans de beaux décors stylisés, nous livre toute l’histoire (ou presque) de la bicyclette : du temps de son invention, de la draisienne au grand bi, de la petite reine au VTT, toutes ses formes et tous ses usages, avec des noms, des dates, et des explications qui sont parfois des hypothèses mais répondent à des questions qu’on oubliait de se poser à force de familiarité : pourquoi « petite reine »? , pourquoi un maillot jaune, etc.
Feuilleter sur le site de l’éditeur.

 

Quand j’étais petite pendant la Seconde Guerre mondiale

Quand j’étais petite pendant la Seconde Guerre mondiale
Hélène Lasserre – Gilles Bonotaux
Saltimbanque 2023

Une fillette sous l’Occupation

Par Michel Driol

La narratrice a 8 ans lorsque la guerre éclate. Puis c’est l’exode, le retour à Paris, le froid et la faim, les tickets de rationnement, les Juifs qui sont emmenés au loin, les arrestations de résistants, l’école et les dictées, le court séjour chez les grands parents paysans en zone libre, et c’est la Libération, les bals populaires, et l’espoir d’un monde sans guerre.

Entre documentaire et récit, voici un album pour faire découvrir la vie quotidienne d’une fillette entre 1939 et 1945. Ecrit dans une langue simple, avec quelques tournures enfantines, le texte est très précis et très documenté pour rendre sensible aussi bien les conditions de vie que les pensées, l’état d’esprit, les sentiments et les émotions de la narratrice. On est dans une famille parisienne, avec deux enfants, famille sans doute aisée au vu de quelques indices, les cadeaux de Noël de 1939, la possession d’une voiture, famille qui écoute la Radio Londres, sans que l’engagement dans la Résistance semble aller plus loin, mais famille participant à la construction des barricades en aout 45. Famille sans doute à l’image de ce qu’ont été nombre de familles durant cette période. Une autre qualité du texte est de s’adresser à de jeunes lecteurs de 2023, et donc de signaler ce qui a changé depuis, ce qui n’existait pas alors (pas d’internet, par exemple).

Les illustrations sont une merveille de réalisme et de précision. Traitées selon le principe de la ligne claire, elles présentent des détails très fouillés pour mieux donner à voir ce quotidien loin de nous. Elles savent utiliser aussi bien le contraste entre des parties colorées et d’autres laissées en noir et blanc pour mettre en évidence tel ou tel fait, et n’hésitent pas à citer des visuels d’époque (affiches sur les murs, affichages dans la classe, photos d’actualité au cinéma).

Un album documentaire réussi pour faire pénétrer, à hauteur d’enfant, dans ces années noires… et ne pas oublier que d’autres enfants, aujourd’hui, vivent les mêmes choses.