Ma première nuit à la belle étoile

Ma première nuit à la belle étoile
Alex Cousseau
Rouergue (dacodac), 2010

Des peurs

Par Anne-Marie Mercier

Mapremierenuitalabelleetoile.gifUne situation simple : Cléo et son cousin ont l’autorisation de passer la nuit dans le jardin de la maison. C’est le cousin qui raconte. Il devine que Cléo a peur de quelque chose, raconte sa plus belle peur pour l’inciter à se confier. Tous deux résolvent l’apparent mystère et désamorcent l’angoisse en mangeant des cornichons (belle trouvaille).
C’est une  histoire bien conduite, autour des peurs, peur de la nuit, de ce qu’on imagine qui n’est rien, de l’influence des images violentes de la télévision également. C’est aussi très bien écrit, presque trop : on a souvent l’impression que ce n’est pas le cousin enfant qui parle à sa cousine, mais bien un adulte sensible aux angoisses enfantines et qui se souviendrait des siennes.

Comment bien rater ses vacances

Comment bien rater ses vacances
Anne Percin

Rouergue (doAdo noir), 2010

En fait, comment grandir

par Maryse Vuillermet

comment rater ses vacances.jpgAu début de ma lecture, j’ai été un peu agacée par un langage « djeun » un peu lassant et qui m’a semblé outré, par un personnage d’adolescent maussade, solitaire, mal dans sa peau,  comme on en a déjà beaucoup rencontré dans la littérature  pour la jeunesse : il passe sa vie devant son ordinateur, il joue de la guitare, il ne communique que sur face book sous un pseudo. Et puis, tout à coup, alors qu’il est tranquillement en vacances chez sa grand-mère, une série de petites catastrophes l’obligent à sortir de ses habitudes et de sa coquille. Sa grand’mère a une attaque cardiaque et tout s’enchaine et se déchaine contre notre héros. Et là, le charme opère, on est pris dans le récit. Mais Maxime, d’épreuve en épreuve, de rencontre réelle à l’hôpital  et dans l’entourage de sa grand-mère, ou virtuelles sur face book, finit par prendre des initiatives, des décisions, se livrer un peu, s’intéresser un peu aux autres, bref grandir et découvrir qu’il n’est pas plus si seul. C’est je crois ce qu’on appelle un roman d’apprentissage.

 

 

Un indien dans mon jardin

Un indien dans mon jardin
Agnès de Lestrade
Rouergue (dacodac) , 2010 

Crise de père

Par Anne-Marie Mercier

Un indien dans mon jardin.jpgIl arrive que les parents se mettent à débloquer. Parfois, un problème qui n’a pas été réglé dans leur jeunesse les empêche de se conduire de façon rationnelle. C’est ce qui arrive au père de Mia qui plante une tente dans son jardin et fait l’indien, attendant un signe, tandis que sa femme, compréhensive, patiente; sa fille, elle, s’inquiète de plus en plus.

La solution viendra, et le lecteur a le choix entre penser qu’elle est issue de la raison ou née de la folie même, justifiant ce détour nécessaire. L’histoire est loufoque, mais le ton de Mia est bien posé et on pourrait transposer ce rêve d’indien en bien d’autres comportements plus fréquents mais non moins dérangeants pour l’entourage.

 

L’inconnue des Andes

L’inconnue des Andes
Sylvie Deshors

Rouergue, (Doado Noir), 2011

Enquête en altitude

                                                                                                             par Maryse Vuillermet

    On retrouve dans ce roman policier le touchant personnage d’Agathe de Fuite en mineur, (voir article sur ce site), une jeune Franco-chinoise karatéka, son énergie, et surtout sa curiosité.  Elle voyage en Équateur en compagnie de son amie étudiante Lucia. Une curieuse rencontre avec une superbe inconnue aux yeux verts qui lui donne un bracelet en or va changer le cours paisible du voyage.Dans un Lodge en pleine Cordillères des Andes, elle trouve un morceau déchiré de son  passeport, ce qui lui fait croire qu’elle a disparu. Elle décide de partir à sa recherche.

Une course enquête à travers les paysages somptueux et dangereux des Andes, de nombreuses et belles amitiés entre jeunes  Américains du sud, Québécois, jeune policier lyonnais, un style efficace, une réalité sociale bien prise en compte (misère, violence, pillage de tombes, suite des tortures, disparitions et assassinats en Argentine), tous ces ingrédients bien dosés font de ce roman une lecture  dépaysante, engagée, palpitante et souvent émouvante.

Le grand cheval bleu

Le grand cheval bleu
Irène Cohen-Janca
Maurizio A.C. Quarello

Rouergue, 2011

« Bleu comme le ciel de Trieste »

Par Dominique Perrin

     « Un jour de 1974, un immense cheval bleu, accompagné d’un cortège de malades et d’artistes, a vraiment parcouru les rues de Trieste. Il était le symbole de ce mur entre la ville et l’hôpital que le docteur psychiatre, Franco Basaglia, voulait abolir. Il m’a inspiré cette histoire… »
Un voyage vers l’Est et vers le Sud  – l’Italie vue depuis Trieste –,

Un voyage dans le passé – les années 70 et le mouvement de contestation de la crimininalisation et de la relégation des malades mentaux –,
un voyage dans la société – la mère du narrateur est lingère au grand hôpital psychiatrique de San Giovanni –,
un voyage dans le vivant – le personnage central est un cheval de charge –,
un voyage dans les âges de la vie – le narrateur passe de l’enfance à l’adolescence, le cheval auquel il consacre son témoignage approche de la fin de sa vie –
un voyage dans les possibles politiques – des débats naissent, des mondes étrangers se rencontrent, des paupières battent –
un récit très ample et très bref, ouvert sur des pages vierges et des illustrations en noir, blanc et bleu comme un rivage sur l’élément liquide.

J’aime j’aime pas

J’aime j’aime pas
Séverine Thevenet
Le Rouergue (collection Yapasphoto), 2010

 Inventaire à la Perec spécial tout petits

par Sophie Genin

9782812601309.gifAprès Donner corps, DésOrdres, Prendre forme, Couleurs à sensation, Pour grandir il faut… et Haut comme trois pommes, la collection « Yapasphoto » du Rouergue présente un nouveau petit. Les illustrations, sous forme de photos très colorées, contemporaines et atemporelles à la fois, sur un support cartonné facile à manipuler, accompagnent un texte simple mais efficace qui fonctionne par association d’idées à hauteur de tout petit, comme le montrent les extraits suivants :

« J’aime pas quand ça gratte (un collant sur la photo)/J’aime quand ça tourne (la jupe avec laquelle il faut mettre un collant qui gratte s’il fait froid quand on veut la voir tourner!) » ou « J’aime pas le noir/J’aime les spectacles ».

Cette petite collection de contradictions quotidiennes permettra de faire réfléchir les plus jeunes, sans en avoir l’air et en (re)découvrant le monde qui nous entoure sous un angle poétique et artistique haut en couleurs.

L’Ecole du soir

L’Ecole du soir
Elzbieta , Vincent Tessier
Rouergue, 2010

Qui sont les bébés ?

par Anne-Marie Mercier

L’Ecole du soir.gif Une lune, des animaux, un arbre, tous en pâte à modeler brune (la couleur qui finit par dominer quand on a trop mélangé les couleurs), un fond de ciel bleu orangé, la tombée de la nuit. C’est le moment où les animaux se rassemblent, parlent à la lune et l’écoutent.

Comme à l’école maternelle, l’un d’eux commence en évoquant une découverte et les autres enchaînent : il a rencontré un être tout nu, vêtu d’une couche, un bébé. Chacun parle et interroge la lune sur ce sujet (est-ce que c’est gentil ? pourquoi ça crie, pourquoi ça court…) ; un petit frisson avec les déclarations du lion. Jusqu’au moment où la lune déclare qu’il est l’heure d’aller se coucher.

L’ensemble est charmant. Cela n’a pas la profondeur d’un autre album d’Elzbieta où des ours (en peluche) s’interrogeaient sur les bébés (Où vont les bébés ?). Mais les tout petits aimeront sans doute voir que les animaux s’interrogent sur eux, exactement comme les enfants s’interrogent sur les animaux.

Chat-nouille

Chat-nouille 
Gaëtan Doremus

Rouergue, 2010

 Dans « LJ », il y a « littérature »

 par Christine Moulin

 chat-nouille.jpgOn aimerait aimer ce petit album, carré comme tous ceux de l’éditeur, au nom même du goût que l’on a pour le Rouergue. Pour le dessin aussi, fluide, au crayon rehaussé d’orange. Pour la bonne bouille du chat héros de l’histoire, sans doute nommé Mistigri (mais son nom disparaît rapidement pour la dénomination « le chat »).

Oui, mais voilà, le propos est tellement évident, pesant et didactique qu’on n’y arrive pas. Derrière ce chat anonyme, on reconnaît tellement vite tous les adolescents scotchés à leur écran et leurs jeux vidéo qu’il n’y a aucune surprise, aucun décalage, aucun déplacement. La leçon est assénée : la télévision, les jeux vidéo, c’est nul ; il vaut mieux lire et aller faire un tour dehors. Sinon, on devient lisse, mou et blanc… !

Quand le livre fait son auto-promotion sans nuances, on a bien envie de se précipiter sur son canapé et de s’offrir une grande orgie de télé !

Le Doudou de Lola

Le Doudou de Lola
Irène Cohen-Janca, Natacha Sicaud
Rouergue, 2010

Doudou y es-tu ? 

Par Anne-Marie Mercier

Le Doudou de Lola.jpg Si les doudous n’existaient pas, il faudrait les inventer tant le thème du doudou perdu est présent aussi bien en littérature de jeunesse que dans les préoccupations quotidiennes des parents (et des enfants).

L’originalité de cet album tient à ses illustrations très colorées et dynamiques. Natacha Sicaud utilise les doubles pages de façon très variée, en plans larges, champ/contre-champ, plan d’ensemble/gros plan, etc. et les représentations de la maison de Lola se plient à toutes les circonstances.

Autre originalité : le doudou est un patchwork de 22 carrés qui seront retrouvés les uns après les autres (deux, puis quatre, cinq, sept…) , ce qui peut donner lieu à de savants calculs pour qui voudrait. Le défilé des personnes qui les rapportent, d’âges et de métiers différents s’achève avec l’arrivée de la petite Lili grâce à laquelle Lola comprendra qu’il y a plus grave dans la vie et qu’une amie vaut mieux qu’un doudou. En somme, il faut grandir, mais en attendant, le livre est tout un monde à explorer.

Plastique des sensations

Couleurs à sensation
Isabelle Gil

Rouergue, 2010, coll. Yapasphoto

 Plastique des sensations 

Par Dominique Perrin

CouleurSensation.gifCouleurs à sensation est un petit livre intégralement dédié à l’image et aux « cinq sens ». Il est, d’abord, tout couleur, avec un bonheur puissamment contrasté de double page en double page. On s’aperçoit ensuite qu’il est tout jeu abstrait de formes et de structures : les couleurs si proches, et mêmes communes, de la barbe à papa ( ?) et de l’éponge ( ??) ou de la mie de pain ( ???) dessinent pourtant des univers d’une absorbante différence. De l’équation des couleurs et des formes résulte de façon directe l’évocation du goût et du toucher, et parfois de l’odeur. Tentons de dire la dynamique, et certes non la fin de ce voyage d’exploration photographique :  il apparait enfin aussi que c’est tout simplement, tous yeux et peau dehors, de lumières que nous entretiennent ces images.

Un imagier  susceptible de former l’intérêt pour un certain cinéma, que les enjeux plastiques du cadre, de l’éclairage, et du coup du plan continueraient d’intéresser autant que les scénarios préétablis ?