1. 2. 3… images

1. 2. 3… images
Catherine Chaine, Marc Riboud
Les trois ourses, Gallimard jeunesse, 2011

 

Photo-Abécédaire des chiffres

Par Anne-Marie Mercier

Les belles photos de Marc Riboud, en noir et blanc superbes, bien reproduites, sont classées de façon inhabituelle : non pas selon le lieu (Amérique, Europe, Russie, Chine, Ghana…), ni le sujet (beaucoup de photos de groupes, mais aussi d’objets, d’activités, de moments d’histoire ou de société), ni la date (des années 50 aux années 2000), mais le nombre – et le chiffre qui lui correspond : un promeneur, deux danseurs, quatre téléphones, onze couvercles de poubelle…

On n’apprendra peut-être pas à compter (à mon avis les images sont trop petites et difficiles à lire pour convenir à de très jeunes enfants), mais on aiguisera son sens esthétique, on s’amusera à chercher ce qui fonde la série et on sera curieux d’imaginer les histoires qui peuvent sous-tendre ces scènes ou bien l’on inventera une trame qui en réunisse quelques unes.

Insoumise

Insoumise
Ally Condie
Traduit (anglais –USA) par Vanessa Rubio-Barreau
Gallimard Jeunesse, 2012

La Belle se rebelle

par Anne-Marie Mercier

Après Promise, Insoumise ; les deux couvertures des premier et deuxième tomes se répondent aussi joliment que les titres. Et ce deuxième volume remplit en partie les promesses du précédent : l’histoire d’amour (l’héroïne hésite entre deux garçons), l’aventure (ici, survie dans un monde inconnu et hostile), la lutte contre l’oppression, tout cela se poursuit également, avec un retournement final qui nous rappelle l’interrogation du premier volume (qui manipule qui ?) et qui maintient le suspens.

Malgré cela, il y a quelques longueurs et l’évocation réitérée des sentiments de l’héroïne finit par lasser : répéter n’est pas approfondir mais ressasser. Certes, un personnage peut ressasser, mais en ce cas, il faut un grand art pour maintenir l’intérêt.

L’âne Trotro a trop chaud

L’âne Trotro a trop chaud
Bénédicte Guettier
Gallimard jeunesse, Giboulées, 2012

La belle vie…

Par Caroline Scandale

Trotro est un personnage bien connu des plus petits. Ses aventures se déclinent en multiples albums. A la télévision, sur Youtube ou dans les livres, rares sont les moins de quatre ans qui ne l’ont pas déjà vu. Cherchons à en savoir un peu plus sur celui qui fait un tabac chez les lecteurs à biberons…
Trotro est un ânon stylisé, rieur et potelé qui découvre l’autonomie avec une bonne humeur contagieuse. Son charme  réside dans ses illustrations pétillantes et enfantines, ses couleurs contrastées et son humour subtil. Par exemple, dans cet album, Trotro, confronté à une forte chaleur, en profite pour lire à l’ombre d’un pommier, un livre sur la banquise… Quoi de plus rafraîchissant?
Dès 18 mois pour les albums cartonnés avec les oreilles de Trotro qui dépassent et aux alentours de 3 ans pour cette collection aux pages en papier glacé.

Asdiwal, l’indien qui avait faim tout le temps

Asdiwal, l’indien qui avait faim tout le temps
Manchette et Loustal

Gallimard jeunesse, 2011

Par Marianne Mondel (Master MESFC Lyon 1)

Quelle caractéristique incarne le mieux notre jeune héros Asdiwal ? Son incommensurable appétit bien sûr ! C’est durant l’été 1966 que ce personnage a été mis en scène par un père pour son fils, alors en vacances en Provence loin de lui, à Paris. Cette œuvre est la première et seule incursion de Manchette au sein de la littérature de jeunesse. Lorsque que l’on songe à cet auteur, polyvalent dans ses fonctions de critique littéraire et de cinéma, scénariste et dialoguiste, traducteur, et surtout père de nombreux romans policiers, on aurait tendance à penser noirceur, violence, crimes… mais bien au contraire, le ton reste résolument comique et décalé !

Malgré une histoire semblant sortir tout droit de l’imagination de son auteur, les indiens Tsimshian, peuple d’Asdiwal, existent bel et bien dans de lointaines contrées. Ce dernier fait figure de héros dans leur mythologie. Manchette puise ses sources dans le l’ethnologie des peuples amérindiens, connue chez nous depuis Claude Lévi-Strauss (ASDIWAL est le nom d’une revue d’anthropologie et d’histoire des religions).

La langue employée par l’auteur est très inventive et frappe le lecteur par sa vivacité et son naturel. Celui-ci s’adresse ainsi aux enfants en s’exprimant comme eux. Les répétitions sont un élément récurrent qui accroche le petit lecteur à l’ouvrage. Manchette joue joyeusement entre le réel et le fantastique, nous entrainant doucement dans l’imaginaire. La dynamique de l’œuvre par ses enchainements d’actions entraîne attention et réflexion. Le loufoque pointe le bout de son nez par la succession brutale des évènements, sans beaucoup de transition ou de logique. Les dessins, quant à eux, accrochent l’œil par la vivacité des couleurs et l’impression de mouvement qui s’en dégage.

L’attachement à ces petits indiens ne parvenant plus à voir leurs mocassins, dissimulés par un ventre grassouillet, est inévitable. Ce joyeux bazar indéniablement original permet une fin heureuse à Asdiwal, devenant un mari comblé… et obèse !

C’est un petit livre

C’est un petit livre
Lane Smith
Gallimard jeunesse, 2012

Livre, mode d’emploi

Par Anne-Marie Mercier

Même si cet objet sur lequel on s’interroge, carré, cartonné, n’est pas recommandé avant trois ans, il s’adresse à de tout jeunes lecteurs. Dans un dialogue entre un petit âne et un jeune singe, statique et répétitif, l’un pose des questions (« ça se mâchouille ? », « on peut s’asseoir dessus ? »…) en manipulant un objet qui ressemble à celui que l’on tient en main ;  tandis que dans un ouvrage précédent  (C’est un livre) il cherchait une prise ou une souris pour le faire fonctionner. L’autre répond invariablement « non », jusqu’à la dernière réplique qui reprend le titre : « ça se lit, c’est un livre, petit âne ». Entretemps, le petit âne aura pu expérimenter de multiples possibles. Bel éloge du livre qui rappelle un vieux titre du Père Castor (Mes livres) : ça se lit, mais on peut faire aussi des tas d’autres choses avec.

Le Premier Défi de Mathieu Hidalf

Le Premier Défi de Mathieu Hidalf
Christophe Mauri
Gallimard jeunesse, 2011

Sale gosse

Par Anne-Marie Mercier

Un peu  de magie, un peu d’intrigues de palais, un peu de suspens, pourquoi pas, bravo. Mais le personnage du héros est franchement agaçant et semble une offrande démesurée au narcissisme enfantin. Mathieu Hidalf déteste son père (soit) et fait tout pour le mettre en difficulté, même auprès du roi (cet enfant est-il totalement stupide ?). Mentir, tricher, trahir, tout cela n’est rien quand il faut satisfaire son caprice et son but suprême : réaliser une autre grosse bêtise qui attirera l’attention de tous sur lui. Voilà qui flatte l’infantilisme au point de faire oublier d’autres enjeux présents dans le livre (intégrer une école de chevaliers d’élite, lutter contre des monstres…) et quelques pages en forme de cauchemar assez réussies.

Le Petit Prince et … (l’oiseau de feu, la reine de jade, Euphonie, les Eoliens)

Le Petit Prince et … (l’oiseau de feu, la reine de jade, Euphonie, les Eoliens)
Katherine Quenot

Gallimard jeunesse, 2011

La dérive des dérivés

par Anne-Marie Mercier

Voilà le petit prince mis en série comme on met en boîte, en accompagnement à la diffusion de films d’animation. Si les illustrations qui reprennent des images en 3D sont originales et la mise en page élégante, les histoires ont un petit air de préfabriqué et les textes sont plats.

Quant à l’esprit de l’oeuvre de Saint-Exupéry, il est bien oublié : le Petit Prince est un héros volontaire et plein de ressources; il est accompagné du renard  (on croyait qu’il s’étaient dit adieu définitivement) et le moindre problème se règle à coups de manteau magique, épée magique, langage magique, etc. A éviter donc, comme la version pour les petits des mêmes titres.

Je cherche un livre pour un enfant. Le guide des livres pour les 8/16 ans

Je cherche un livre pour un enfant. Le guide des livres pour les 8/16 ans
Toni di Mascio
Gallimard jeunesse, 2011

Qui cherche trouve

par Anne-Marie Mercier

Je cherche un livre pour un enfant 8_16 ans .gifDans la même collection que le livre précédent consacré à la tranche des zéro-sept ans, cet ouvrage propose de nombreux titres pour les pré-adolescents et adolescents accompagnés de synthèse sur différents sujets (les séries, la science-fiction, les enfants et la lecture). Un premier chapitre donne des idées de lecture en fonction du niveau du lecteur et non de son âge (il y a une bonne mise au point sur cette question de l’âge, p. 13). Un deuxième chapitre est organisé par genres : fantasy, policier, fantastique et science-fiction. Le suivant donne des titres d’ouvrages classés par thèmes : récit de vie, aventure, humour, amour, histoire, monde contemporain. Une dernière partie propose des repères : historique, lieux de lecture, éditeurs, sites… Et une bibliographie qui propose d’autres recueils du même genre mais aussi des titres d’ouvrages sur les moyens d’inciter les enfants à lire.

 Le grand mérite de cet ouvrage, comme le précédent est de s’appuyer sur le goût des enfants et adolescents, de mêler classique et contemporain, « grands » et « petits » éditeurs et de proposer de nombreuses ouvertures, regards critiques, réflexions et conseils ; par exemple celui-ci : « les adultes que nous sommes devraient éviter de juger une lecture d’enfant (trop) à l’aune de leur regard de lecteur qui a déjà un parcours littéraire (et de vie) derrière lui », accompagné d’un conseil judicieux : relire un ouvrage qui nous a beaucoup plu, enfant ou adolescent, et se demander si on en a été décervelé, ou bien?

 

Rico et Oskar, t.1 : Mystère et Rigatoni

Rico et Oskar, t.1 : Mystère et Rigatoni
Andreas Steinhöfel

traduit (allemand) par Barbara Fontaine
Gallimard Jeunesse, 2010

Les Mystères de Berlin: policier et handicap

 Par Anne-Marie Mercier

Andreas Steinhöfel,Gallimard Jeunesse,handicap,amitié,surdoué,ville,Anne-Marie Mercier   On ne sait si dans ce premier volume d’une trilogie l’histoire policière est la part la plus importante. C’est aussi un récit autour du handicap. Le narrateur, Rico, est un jeune berlinois qui se décrit comme « maldoué ». Toute l’histoire est vue à travers son regard étonné, souvent naïf, et son caractère à la fois craintif et ombrageux. On voit comme des symptômes ses difficultés face aux chiffres et à l’espace, ses problèmes face à l’implicite, ses rêveries devant les bizarreries de la langue, ses définitions de dictionnaires re-bricolées avec sa propre logique.

Le récit commence comme son journal de ce qui s’est passé durant ses premières journées d’été. On découvre les habitants de son immeuble, son quartier parmi lesquels se cache un ravisseur d’enfants qui terrorise Berlin. La rencontre d’Oskar, surdoué craintif et hardi, ouvre les perspectives de Rico et le conduit à découvrir le criminel. Le portrait du jeune garçon est touchant, les dialogues savoureux, et les rencontres toutes assez déjantées (à croire que Berlin est un condensé d’originaux…).

On retrouve ici des éléments qui ont fait le succès du Bizarre incident du chien pendant la nuit, enquête policière menée par un enfant autiste. Andreas Steinhöfel ajoute à la greffe policier+handicap un zeste de sociologie urbaine et beaucoup de fantaisie naïve.

A comme association (4 et 5)

A comme association,
t. 4, Le subtil parfum du souffre

Pierre Bottero

t. 5, Là où les mots n’existent pas

Eric Lhomme

Gallimard jeunesse/Rageot, 2011

 Par Anne-Marie Mercier

acommeassociation4.jpgLes deux derniers volumes de la série sont portés par l’ombre de la disparition de Pierre Bottero, mort dans un accident de moto en 2009. De façon assez sidérante, le volume 4 se clôt sur le départ d’Ombe et de Jasper pour une virée en moto, eux qui se définissent mutuellement « sans casque » et sans  prudence. Le livre s’achève sur ces mot : « la vie mérite d’être vécue. Toujours. »

acommeassociation5.jpgDans le 5e volume, Eric Lhomme prend acte de la disparition de son coéquipier et ami : Ombe est morte, ne reste que Jasper, décidé à la venger. Ce roman, hanté par la disparition, peine à prendre son rythme. Il est parasité par les interventions continuelles d’Ombe dans la tête de Jasper et parfois par une contamination du style oral d’Ombe. Il est aussi un peu trop répétitif (trop de passages d’invocations magiques), très morbide ; enfin, il a des allures de roman de deuil, de ressassement. Ce n’est que vers la fin qu’il parvient à prendre une véritable consistance en introduisant de la complexité et en suggérant un nouveau départ, comme si le deuil avait fait son travail. A suivre, donc ?

Oui : Le sixième volume paraitra en octobre prochain.

On souhaite à Eric Lhomme bonne route sur ce chemin désormais solitaire.

 Dans les premières pages des livres comme sur le site consacré à cette série (http://www.acommeassociation-leslivres.fr), on peut lire le récit de la rencontre entre Pierre Bottero et Eric Lhomme, l’immédiate complicité, et le projet en trois points qui a donné cette série :

« – l’association (deux auteurs et deux éditeurs, main dans la main),
– la nouveauté (cet univers commun ne renvoie à aucun de nos univers particuliers, sinon pour des clins d’œil ponctuels),
– le plaisir (plaisir d’écrire, d’imaginer et de délirer ensemble). »

Si le projet est original, les clins d’œil aux deux œuvres ne sont pas si ponctuels que cela. La série joue beaucoup sur l’humour : de nombreux clichés, stéréotypes ou contre-stéréotypes, des allusions aux autres auteurs de fantasy (notamment à travers les noms de rues). Les volumes sont courts, l’intrigue et la psychologie peu fouillées, le style très oral (notamment pour les textes de Bottero qui n’ont pas pu être relus par lui).

L’univers, c’est celui de « l’association » dirigée par Walter, mademoiselle Rose et le Sphinx, qui semblent sortis d’une série d’espionnage (imités de ‘M’, le patron de James Bond, sa secrétaire Miss Moneypenny et de Boothroyd (ou ‘Q’) génial inventeur de gadgets). Cet univers est mixé avec des personnages d’histoires fantastiques ou de fantasy, plus familières aux deux auteurs : vampires (pas très charmants), trolls, etc.

L’Association est chargée de maintenir la paix entre les humains (les ‘normaux’) et les ‘anormaux’ et recrute ses agents parmi des créatures hybrides (les ‘paranormaux’), humains aux pouvoirs spéciaux. La jeune Ombe est indestructible et très virile dans ses actions comme dans ses propos. Le jeune Jasper est plus délicat, presque efféminé, et est très fort en incantations magiques. Quant aux vampires, trolls, etc, ils semblent sortis de films de série B ou de BD parodiques.